A la recherche du jeu parfait

(Divercité #3)

 

Perfection. Pour certain c'est synomyme d'ennui et de monotonie, pour d'autres comme moi, c'est au contraire d'une beauté incomparable. Je voulais que mon premier jeu soit, si je ne devais en faire qu'un, un jeu sans aucun défaut.

 

Dans le genre

 

Si il y a une catégorie de jeux de plateau qui représentent la perfection, pour moi ce sont les jeux abstraits. Ils font partie intégrante des cultures du monde depuis des siècles. Pas de texte, pas de cartes ou d'éléments singuliers, ils sont universels et intemporels. Ils sont imposants par leur matériel, leur histoire, leur simplicité ou leur profondeur. Un héritage intergénérationnel qui réunit les jeunes et les moins jeunes (restons diplômate) autour de la table.

 

Dames Chinoises, mise en place RPG

 

J'ai souvenir étant enfant d'avoir joué pendant des heures aux dames chinoises, tout seul en m'inventant des histoires. Et si les pions verts étaient des arbres, les rouges du feu et les noirs des méchants. On peut coller aux jeux abstraits le thème que l'on veut, laisser libre cours à notre imagination. Les jeux abstraits sont-ils aux livres ce que les jeux thématisés sont à la bande dessinée ? Je le vois un peu comme ça. Ou en tout cas je le voyais comme tel avec mes yeux d'enfants. Je ne connaissais pas les règles du backgammon ou des échecs, alors je les inventais. Ces jeux ouvraient chez moi une porte vers la créativité.

 

Dans les règles

 

Quoi de plus agréable qu'un jeu avec une règle simple, intuitive et facile à retenir. Quoi de plus frustrant, au contraire, que de voir son public abandonner avant que l'explication soit terminée. Nous savons tous que la lecture de règles peut être un moment difficile à digérer, voir même être un frein à l'apprentissage de certains jeux, sûrement très bien. Je ne voulais pas ça pour le mien et c'était une peur, pour moi qui était très mauvais en synthèse orale, que les gens ne le comprennent pas.

J'ai toujours trouvé les règles de Divercité trop simples. Ça fonctionne trop bien. C'est trop beau pour être vrai. Il doit forcément y avoir quelqu'un, quelque part, sur les milliards de fourmis que l'on est à y avoir déjà pensé... J'ai donc cherché, sondé des joueurs mais en vain. Peut-être me direz-vous le contraire ?
Très loin de moi l'idée de vouloir plagier quoi que ce soit et pourtant il est si difficile d'être omniscient avec tous les jeux qui sortent aujourd'hui.

Les règles complètes de Divercité sont disponibles ici : https://www.fabricapion.com/DATA/doc/5

La mécanique en elle même ne plaira pas à tout le monde, mais pour moi, pouvoir pourrir son adversaire tout en marquant des points c'est quand même très agréable. Ça n'est pas gratuit bien sûr, il faut l'anticiper, le planifier. A chaque tour les 2 joueurs ont toutes les informations entre leurs mains et c'est à eux seul de prendre la meilleure décision. Il n'y a pas de carte cachée, ou de probabilité impliquée, ça n'est rien d'autre qu'un jeu de stratégie combinatoire. Divercité n'est donc sûrement pas le jeu sur lequel vous vous taperez vos meilleures barres. Cependant, on y trouve, à condition d'avoir un adversaire à sa hauteur, un côté challengeant et une recherche intellectuelle qui peut s'avérer très satisfaisante lorsque l'on sait qu'on a trouvé "le coup parfait".

 

Dans le format

 

Un 1 contre 1, un duel comme dans le temps. Les joueurs ont exactement les mêmes pièces et le plateau est symétrique. La chance n'est pas la bienvenue car seul le meilleur joueur doit gagner. Quand on est mauvais joueur comme moi et pour ne pas en vouloir au jeu, il faut s'en vouloir à soi même en cas de défaite. Avec les centaines de parties de Divercité que j'ai faites pour le montrer et promouvoir, pas sûr que j'aurai supporté de perdre en face à face à cause d'un facteur extérieur tel que la chance. Ça aurait fini par m'énerver.

 

Eléments de UI du jeu Divercité disponible sur mobile

 

L'absence de chance m'a toujours attirée aussi dans le jeu pour son côté compétitif. Très tôt déjà j'imaginais organiser des tournois, avoir un classement des meilleurs joueurs etc. Mon rêve serait que le jeu me dépasse, que des joueurs trouvent des stratégies nouvelles, qu'ils donnent des noms à des ouvertures, ça serait très marrant.

Pour ce qui est de la durée d'une partie, c'est aux joueurs de choisir finalement. Si c'est pas la perfection ça ! Comme aux échecs on peut avoir envie de se casser la tête pendant des heures ou au contraire chronométrer les coups et enchaîner les parties. Ce sont deux exercices différents qui ont chacun leur intérêt propre.

 

Dans le design

 

Des pièces identiques pour les deux joueurs et de 4 couleurs différentes. De la géométrie partout. Les pièces sont des ronds dans des cubes, qu'il faut mettre sur un plateau carré avec des carrés partout. Chaque couleur à une fonction et répond à un besoin, tout comme les formes. Je me suis fixé énormément de contraintes, sans doute trop.

Comme c'est barbant ! Elle est où la créativité là dedans, et les belles illustrations ?

Je vous vois, opiner du sous-chef ! Ça c'est un sujet pour un autre post. Less is More il parait. Là encore ce sont des partis pris, mais je pense qu'un jeu qui demande quasiment uniquement de la réflexion se doit être le plus clair possible visuellement. Si les joueurs réfléchissent pendant 5 minutes à un coup avant de se rendre compte qu'ils ont confondues deux pièces, ou qu'ils pensaient \"que c'était la case d'à côté\" alors c'est pour moi un échec total. Le design ne doit jamais desservir le jeu et ça a été un challenge de rechercher à garder un jeu coloré et agréable visuellement en prenant compte de ces contraintes.

 

Je ne sais pas vous, mais moi ça, ça m'excite les pupilles


Dans le matériel

 

Le matériel est sûrement ce qui m'a demandé le plus de travail. Car bien sûr qui dit matériel dit contraintes techniques et budgetaires. On veut du vernis sélectif, une finition soft touch, des laminations, des inserts, tout un tas de trucs qui doublent rapidement la note.

 

Une boîte de Divercité, bien rangée, comme on aime

 

Sans rentrer dans ces détails ici, j'ai pu cocher un certain nombre de mes convictions pour le matériel. Je m'étais fais le devoir en tant qu'éditeur de veiller à respecter ces d'éléments :

  • Une fabrication 100% française : des pièces en bois, en passant par les jetons, la règle et la boîte. Ça a été des contraintes énormes mais que je ne regrette pas de m'être fixées.
  • Un jeu qui soit correctement visible pour les personnes daltoniennes, pour un jeu basé sur les couleurs c'était indispensable. Et tant que graphiste, l'accessibilité est de toute façon au coeur de mes préoccupations.
  • Une boite dans laquelle toutes les pièces rentrent, bien rangées. Pas trop grande et adaptée au format de partie. Personne n'a envie d'acheter une boîte à moitié vide ou de se trimballer une grosse boîte pour jouer 10min.
  • Un jeu de placement avec quasiment aucune préparation avant la partie. Et pas beaucoup plus en fin de partie, donc pas de temps perdu.
  • Un jeu entièrement en bois, papier et carton qui peut, si on vous l'a offert et qu'il ne vous plaît pas, faire un très bon combustible.

Sur ce dernier point on préfèrera dans la mesure du possible vous voir vous tourner vers la revente ou le don. Merci.

 

Conclusion

 

Le jeu n'a que 2 ans mais j'ai peut-être fait autant de parties de Divercité que de tous les autres jeux de plateau cumulés auxquels j'ai pu jouer dans ma vie. Et pourtant je prends toujours plaisir à le retrouver.

La raison pour laquelle Divercité se rapproche autant de mon jeu idéal est en très grande partie dûe au fait que j'ai pu et dû faire tous les choix de la feuille blanche au produit fini sans la contrainte d'un éditeur ou d'un illustrateur. Il y a cependant des combats que j'ai décidé de ne pas mener pour que le jeu puisse voir le jour, dans des temps et à des coûts raisonnables. J'ai appris au cours de cette aventure que créer un jeu c'est avant tout faire des choix, tout le temps, et que l'auto-édition demande énormément de concessions.

Malgré les qualités que je lui trouve il n'en fera donc pas pour autant le jeu idéal de tous, loin de là. De la même manière qu'on n'aime pas tous les mêmes films, on n'aime pas tous les mêmes jeux de société. Et c'est encore plus vrai, car jouer à un jeu de société c'est partager un moment, et en fonction du temps qu'il fait et de celui que l'on a, mais surtout en fonction des gens avec qui l'on est et notre état d'esprit actuel on se tournera vers des jeux différents.

La suite au prochain épisode

 
     

 

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